Chers frères et sœurs, chaque année nous célébrons la fête de la Transfiguration du Seigneur le 6 août. Au deuxième dimanche de carême, nous avions aussi écouté l’évangile de la transfiguration. C’est un grand mystère que nous sommes invités à contempler à la suite des trois apôtres que Jésus a pris avec lui sur la montagne. Cet épisode assez extraordinaire nous invite, à contempler dans l'humilité de l'homme Jésus, toute la gloire de Dieu qui y est présente et ordinairement cachée. Elle nous révèle aussi que l'humilité de l'homme Jésus est le cœur de la gloire de Dieu.
Le prophète Daniel, dans la première lecture faisait déjà cas du couronnement du Fils de l’homme dans sa vision. Cet homme, donc, vient sur les nuées du ciel (les nuées sont une image classique des apparitions de Dieu) et il accède jusqu’au trône de Dieu. Matthieu dans l’évangile, montre Jésus qui accède à une telle gloire devant trois Apôtres.
L’évangile de ce jour nous montre Jésus transfiguré avant qu’il ne soit crucifié. Jésus nous dit Matthieu, prend avec lui Pierre, Jean et Jacques. Il en choisit trois, comme lors de la résurrection de la fille de Jaïre (Lc 8, 51), ou lors de la prière au jardin de Gethsémani (Mc 14, 33). Il les rend témoins de son extraordinaire relation à son Père, de sa divinité. Et voilà que sous leurs yeux : « son visage apparut tout autre, ses vêtements devinrent d’une blancheur éclatante ». « Et voici que deux hommes s’entretenaient avec lui : c’étaient Moïse et Élie ».
Moïse et Élie, deux hommes célèbres dans la Première Alliance. Moïse est celui qui a fait sortir le Peuple Élu de l’esclavage d’Égypte. C’est à lui que Dieu a donné les tables de la Loi. Il est vénéré comme l’auteur de la Torah, de la Loi que Dieu donne à son Peuple pour qu’il vive. Élie est le prophète qui « se tient devant le Dieu vivant » (cf. I R 17, 1). Sur le mont Carmel, il fait sortir le Peuple Élu de l’esclavage des idoles et des faux dieux. Il est le symbole de ceux qui sont saisis par l’Esprit de Dieu et qui parlent en son nom. Tous deux, comme Jésus, ont vécu un jeûne de quarante jours (cf. Ex 24, 18 ; I R 19, 8 ; Lc 4, 2). Moïse et Élie sont les deux seuls personnages de la Première Alliance qui ont vu Dieu. Moïse l’a vu de dos (cf. Ex 33, 18-23), Élie le rencontre dans une brise légère et se couvre le visage sur le mont Horeb (cf. 1 R 19, 12-13). À la Transfiguration, Moïse et Élie parlent avec Jésus, ils contemplent le Fils de Dieu qui unit en son humanité leurs deux figures. Quels sens pour nous ?
Frères et sœurs, Saint Paul dans la seconde lecture nous éclaire parfaitement en ces termes : « Car il a reçu de Dieu le Père l’honneur et la gloire quand, depuis la Gloire magnifique, lui parvint une voix qui disait : « Celui-ci est mon Fils, mon bien-aimé ; en lui j’ai toute ma joie ». Or la gloire, dans tout l’Ancien Testament, est une prérogative de Dieu. La voix venue du ciel n’a pas dit autre chose à la Transfiguration qu’au Baptême ; ce qui diffère, c’est la gloire, justement, dont est nimbé Jésus à la Transfiguration : il est seul, sur la montagne, entouré seulement des deux plus hautes figures de l’Ancien Testament ; au Baptême, il était noyé dans la foule, mêlé au peuple des pécheurs. C’est le même Jésus que les disciples ont peu à peu appris à connaître, fils d’homme, assurément, mais aussi Fils de Dieu.
Frères et sœurs, Matthieu nous présente Jésus comme le nouveau Moïse ; d’autres textes du Nouveau Testament le présente comme le nouvel Élie. Jésus unit en son être la Loi et les Prophètes. Il unit la dimension institutionnelle représentée par Moïse et la dimension charismatique symbolisée par le prophète Élie. A la Transfiguration, devant les disciples, au témoignage de Moïse et d’Élie va s’ajouter le témoignage du Père. « De la nuée, une voix se fit entendre : “Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi, écoutez-le” ». Or nous savons que la foi des juifs s’appuyait sur Moïse et les prophètes. Jésus se révèle ici comme celui qui poursuit leur œuvre.
Frères et sœurs, par le récit de la Transfiguration, le Seigneur veut nous redonner courage : « N’ayez pas peur, je suis l’envoyé de Dieu ». Comme les Apôtres nous le fréquentons depuis longtemps, mais avons-nous réalisé qui il est ? A ce moment, comme eux, nous n’aurions plus qu’une envie : “dresser trois tentes” et pourtant Jésus descend de la montagne avec eux. C’est une invitation pour nous aujourd’hui à discerner la lumière qui transfigure nos vies, qui nous invite à l’écoute de la parole de Dieu et à la porter aux autres. Notre mission nous conduit à quitter les “Thabors” où nous nous trouvons bien pour rejoindre nos frères. Pour apporter à ce monde laid à bien des égards, violent, obscur, pour lui apporter la lumière de la transfiguration, un coin de ciel, une lueur de pureté. Nous sommes les rayons de la lumière transfigurée, alors ne laissons pas s’éteindre en nous cette lumière !
Aujourd’hui, frères et sœurs, le mystère de la transfiguration peut être proclamé partout et toujours. Alors n’hésitons pas à le faire. Le Christ nous invite sans cesse à reprendre la marche avec Dieu et à lui faire une totale confiance. Il ne nous évitera pas les souffrances ni les peines de la vie. A travers toutes ces épreuves, il ne nous conduira pas jusqu’à la montagne de la transfiguration mais à quelque chose de plus grand, jusqu’à la gloire de la résurrection. Alors oui, faisons-lui confiance, même si, comme les trois disciples, nous ne savons pas encore ce que signifie ressusciter.